
Le “Gadaa” Oromo et le “Xeer” Somali :
Explorer leurs similitudes et leur contribution à la reconstruction d’une philosophie politique endogène africaine
25 février 2025
Coorganisé par Afrospectives et l’Université de Salale
À une époque où l’efficacité et la pertinence des structures de gouvernance modernes en Afrique sont de plus en plus remises en question, les modèles traditionnels tels que le Gadaa oromo et le Xeer somali offrent des perspectives précieuses.
Le 25 février 2025, une table ronde d’importance a été organisée par Afrospectives et l’Université de Salale dans les locaux du Gouvernement régional de l’Oromia à Addis-Abeba.
Cet événement a réuni 22 universitaires, décideurs politiques et experts des systèmes de gouvernance traditionnelle pour analyser les similitudes entre les systèmes du Gadaa et du Xeer, ainsi que leur contribution potentielle aux cadres de gouvernance contemporains en Afrique.
La renaissance des systèmes de gouvernance endogènes
Pendant des décennies, la gouvernance africaine a été largement façonnée par des modèles importés, souvent inadaptés aux réalités sociopolitiques du continent. Le professeur Bekele Gutema (Université d’Addis-Abeba) a ouvert la discussion en soulignant la nécessité de réévaluer et de revitaliser les traditions africaines de gouvernance. Il a rappelé que les paradigmes dominants, issus de cadres eurocentriques, ont souvent marginalisé des mécanismes indigènes qui, historiquement, assuraient stabilité, participation et cohésion sociale.L’événement a également marqué le lancement de l’ouvrage Beyond Mimicry: The Potential of African Endogenous Systems, coédité par Dr Ali Moussa Iye, président d’Afrospectives, et Pr Augustin Holl. Le livre explore divers systèmes africains de gouvernance et plaide pour leur réintégration dans les débats politiques afin d’élaborer des solutions durables et véritablement enracinées dans les contextes africains.
Convergences entre les systèmes Gadaa et Xeer
Les échanges ont mis en évidence plusieurs points communs fondamentaux :
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Une gouvernance décentralisée et participative : les deux systèmes privilégient la prise de décision communautaire, fondée sur la délibération collective au sein de conseils ou d’assemblées.
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Une justice axée sur la réconciliation et la réparation : contrairement aux approches punitives des cadres juridiques occidentaux, Gadaa et Xeer reposent sur la médiation, la restitution et la recherche de l’harmonie sociale.
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Un leadership fondé sur le service et la responsabilité : les dirigeants sont choisis pour leur capacité à servir la communauté, et non en vertu d’un statut héréditaire ou d’un privilège personnel.
Le Dr Ali Moussa Iye a présenté le Xeer comme un cadre complexe de gouvernance et de droit structurant la société clanique somalie, tandis que le Pr Zelalem Tesfaye (Université de Salale) a exposé le système Gadaa, fondé sur l’alternance générationnelle du pouvoir — garantissant ainsi responsabilité et prévention de l’autocratie.
Rôle des systèmes endogènes dans la gouvernance contemporaine
L’une des questions centrales du débat portait sur l’intégration des modèles traditionnels dans les structures politiques modernes.
Les responsables politiques ont été invités à réfléchir sur les raisons du retard des gouvernements africains à reconnaître et à institutionnaliser ces systèmes de gouvernance indigènes.
Les échanges ont également mis en lumière le fossé persistant entre le monde académique et les instances de gouvernance, soulignant la nécessité d’initiatives comme Afrospectives pour combler cet écart.
Les participants ont aussi abordé la question des injustices historiques, notamment les réparations liées au colonialisme et à l’esclavage.
Le Dr Ali Moussa Iye a cité les efforts de la CARICOM en matière de réparations et appelé les États africains à adopter une position unifiée sur cette question.
Perspectives et recommandations
En clôture, l’ambassadeur Mahammud Drir a insisté sur les liens culturels et linguistiques profonds entre les peuples oromo et somali, rappelant l’importance d’une collaboration continue.
Parmi les principales recommandations formulées :
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Promouvoir des dialogues interculturels entre chercheurs, décideurs et leaders communautaires ;
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Intégrer les savoirs endogènes dans les programmes éducatifs, afin d’en assurer la transmission aux jeunes générations ;
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Favoriser des modèles de gouvernance hybrides, alliant structures traditionnelles et institutions modernes pour renforcer l’efficacité et la légitimité politique.
Vers une gouvernance africaine enracinée
Cet événement a confirmé l’engagement d’Afrospectives à valoriser les savoirs africains endogènes dans les débats sur la gouvernance.
Alors que l’Afrique cherche des modèles politiques adaptés à ses réalités, de telles discussions posent les fondations d’une gouvernance enracinée, participative et durable.
Pour prolonger ce dialogue, les participants ont souligné l’importance de la recherche et des échanges structurés entre communautés et institutions.
Loin d’être de simples vestiges du passé, les systèmes Gadaa et Xeer apparaissent désormais comme des modèles dynamiques et vivants, porteurs d’une vision de gouvernance capable de contribuer à la transformation politique et sociale du continent africain.


